- En Afrique, les transactions enregistrées par les acteurs de la fintech connaissent une hausse spectaculaire.
- En 2021, 63 % des financements en faveur du secteur technologique sont allés à la fintech.
- La croissance de la fintech contribue à améliorer l’inclusion financière.
Lorsqu’en 2020, le Nigéria est entré en confinement pour enrayer la propagation du coronavirus, Michael Terver a réussi à maintenir à flot son petit cybercafé, mais aussi à venir en aide à ses amis et clients confrontés aux difficultés nouvelles engendrées par la pandémie. Il y est parvenu grâce à un partenariat avec une société offrant des services bancaires électroniques.
Avant la pandémie de COVID-19, la plupart des clients du cybercafé, dépourvus de compte en banque, préféraient effectuer leurs achats ou leurs ventes en argent liquide. Mais à l’heure où la distanciation sociale interdisait d’effectuer « en main propre » la plupart des transactions, ils ont pu passer au numérique à l’aide d’un système en ligne intégré, permettant depuis le café de régler des factures, d’effectuer des dépôts ou des virements, ou encore de faire des demandes de microcrédit.
Baptisé Quickteller Paypoint, ce système avait été lancé en 2016 par Interswitch, une société fintech nigériane, afin d’aider les particuliers ainsi que les micro- et petites entreprises à adopter les transactions dématérialisées.
« L’accès à Quickteller Paypoint depuis mon établissement a changé la donne, raconte Michael Terver. À cause du confinement, les entreprises ne pouvaient fonctionner comme d’habitude, ce qui a affecté les paiements en espèces. Notre point d’accès Quickteller a automatiquement remplacé les transactions en espèces, car ce qui comptait le plus, c’était de rester en sécurité. »
L’histoire de Michael Terver témoigne d’un phénomène de plus grande ampleur. Alliance de la finance et de la technologie, la fintech transforme à vive allure la façon dont les particuliers et les entreprises effectuent des transactions, notamment en Afrique. C’est en Afrique du Nord et au Moyen-Orient que le volume des transactions enregistrées par les acteurs de la fintech a connu récemment la plus forte croissance au monde, avec 40 % d’augmentation en 2020, tandis que l’Afrique subsaharienne, avec une hausse de 21 % sur la même période, se situait au même niveau que l’Amérique du Nord.
Depuis dix ans, la fintech a permis à 1,2 milliard de personnes dépourvues de compte bancaire d’accéder à des services financiers, soit une réduction de 35 % de la population non bancarisée dans le monde. Avec ce développement de l’inclusion financière, les particuliers et les petits entrepreneurs sont plus nombreux à épargner, à recevoir des versements de l’État, à mener une activité commerciale et à mettre leurs salaires en sécurité.
« Les investissements dans la fintech augmentent beaucoup plus vite dans les marchés émergents que dans les marchés développés, parce qu’ils comblent un manque vital. Nous pensons que cette croissance va se poursuivre, explique Aliou Maïga, directeur régional Afrique pour la division Institutions financières d’IFC. Pour la première fois, des microentreprises et des particuliers disposant d’actifs financiers très limités peuvent mettre leur épargne en sécurité, effectuer des virements sans frais exorbitants et même souscrire à des petits prêts qui leur permettront d’accroître leurs revenus. Cela constitue un véritable tournant dans nos efforts en faveur de l’inclusion financière et de l’éradication de l’extrême pauvreté. »
Une bonne marge de croissance
Le marché africain de la fintech dispose d’une bonne marge de croissance. En effet, seuls 20 % environ des adultes d’Afrique subsaharienne possèdent une carte de débit ou de crédit, contre plus de 80 % dans les économies développées. L’argent liquide règne toujours dans de nombreuses zones rurales ou urbaines mal desservies, une situation qui engendre des surcoûts, des difficultés pour acheter ou vendre des marchandises, et une plus forte exposition des populations au vol et à la fraude.
Les banques traditionnelles ont été peu enclines à offrir des services à des particuliers ne disposant que de petits revenus et peu d’épargne. Pourtant, ces millions de personnes non bancarisées représentent une importante force économique dont le secteur de la finance numérique peut tirer parti.
La multitude de petites entreprises présentes sur le continent peut, elle aussi, bénéficier des avantages de la fintech. Selon les estimations de la Banque mondiale, les PME représentent 90 % du nombre total d’entreprises, comptent un milliard de clients et créent sept emplois sur dix.
Par ailleurs, le continent se caractérise par un vaste secteur d’entreprises informelles et de microentreprises, que la pandémie a particulièrement touchées. Durant la crise, la fintech a aidé les microentreprises et les PME à garder la tête hors de l’eau en leur offrant la possibilité d’effectuer de petites transactions en ligne et en proposant des microcrédits et des plateformes de paiement électroniques.
En Afrique du Sud, par exemple, Adumo, une société soutenue par IFC, permet à de petites entreprises de se développer en se mettant au paiement numérique.
La croissance du secteur s’est poursuivie en 2021 : un rapport indique que le financement du secteur technologique par le capital-risque en Afrique a triplé pour dépasser les 5 milliards de dollars, devançant ainsi toutes les autres régions du monde. La majorité de ces fonds – 63 %, soit 3,3 milliards de dollars – sont allés à la fintech.
IFC a été un investisseur de premier plan sur le marché africain de la fintech. Elle a notamment investi dans Interswitch, dans Fawry, une plateforme de paiement en ligne égyptienne, dans Wave, un prestataire de services de mobile money en Afrique de l’Ouest, dans les entreprises sud-africaines Adumo et Lulalend, et dans TerraPay, un acteur panafricain spécialisé dans les infrastructures de
Un élan propulsé par la pandémie
Si la fintech existe depuis le début des années 1990, la pandémie de COVID-19 a favorisé le développement de ses services aux populations non bancarisées et vulnérables, en particulier au moment où les confinements limitaient les transactions en espèces. Selon une enquête menée par la Banque mondiale et d’autres partenaires, les deux tiers des sociétés fintech interrogées à travers le monde indiquent avoir modifié leur modèle économique lors de la crise en diminuant leurs tarifs, en révisant leurs critères d’attribution de prêts et en assouplissant les conditions de paiement.
Par exemple, TerraPay a étendu ses activités à l’Amérique du Nord afin de permettre aux Africains travaillant à l’étranger d’effectuer des virements dans les 24 heures à un coût abordable. Également pendant la pandémie, Tutuka, géant de la fintech, qui a depuis fusionné avec Paymentology, a développé son offre de cartes virtuelles pour répondre à la demande des entreprises et des administrations publiques pour des solutions leur permettant de payer les employés travaillant à distance et de verser les aides publiques ou les indemnités d’assurance.
IFC soutient ces services fintech, et d’autres, via un investissement direct et indirect dans des fonds tels que Helios, Partech ou Apis Partners. Interswitch, par exemple, bénéficie de financements d’Helios et de LeapFrog.
Dans les prochaines années, la fintech deviendra partie encore plus intégrante des économies africaines, les entreprises comme les clients reconnaissant les avantages à long terme que présentent les transactions numériques.
Selon un rapport de McKinsey publié en août, la fintech permet en effet d’offrir des services plus abordables aux clients. « Les frais de transactions peuvent être jusqu’à 80 % moins élevés, et les intérêts sur les comptes d’épargne jusqu’à trois fois plus élevés que ceux des acteurs traditionnels. Quant aux transferts d’argent, ils coûtent jusqu’à six fois moins cher, » explique ainsi le rapport.
Lulalend, qui permet à de petites entreprises d’effectuer des demandes de financement en ligne, considère que la fintech jouera un rôle primordial dans la croissance future du continent.
« La fintech est en train de transformer l’Afrique, car grâce à elle, les entreprises peuvent gérer leur trésorerie mieux que jamais. Chaque entreprise a ainsi toutes les chances de succès, explique Trevor Gosling, son PDG. Et une entreprise qui réussit fait progresser l’économie et crée de l’emploi. »