Ces dernières années, l’exode des jeunes d’Afrique n’a cessé de croître, poussé par des facteurs tels que le chômage, les opportunités limitées et une vision idéalisée des pays occidentaux. Cette migration massive représente un défi pressant pour la région, car elle entraîne une perte significative de capital humain et de potentiel. Des facteurs économiques tels que le taux élevé de chômage et l’accès limité à une éducation de qualité poussent les jeunes Africains à chercher de meilleures perspectives ailleurs. Cependant, au milieu de cette crise se cache une opportunité de changement. En s’inspirant de pays comme le Maroc et l’Éthiopie, qui ont réussi à exploiter le pouvoir de leur diaspora, la diaspora africaine peut jouer un rôle essentiel dans le soutien à l’autonomisation des jeunes et au développement durable dans leur pays d’origine. Cet article met en évidence les meilleures pratiques d’engagement de la diaspora issues du Maroc et de l’Éthiopie.
Le Pouvoir financier de la Diaspora
S’inspirant d’exemples réussis, ce segment mettra en évidence les stratégies utilisées par le Maroc et l’Éthiopie pour tirer parti de leur diaspora en faveur du développement.
Le modèle du Maroc
Le Maroc, par le biais de nombreuses initiatives, a réussi à mobiliser efficacement sa diaspora.
Stratégies de mobilisation
Un exemple de stratégie réussie est le programme de mobilisation des Marocains hautement qualifiés résidant à l’étranger, appelé « Programme de Mobilisation des Compétences ». Ce programme sollicite la participation de professionnels marocains prêts à contribuer avec leur expertise, leur expérience et leurs connaissances au développement du Maroc. Il vise à fournir un cadre pour ces professionnels afin de les informer des opportunités au Maroc et de leur permettre de développer des partenariats avec les acteurs publics et privés marocains, ainsi que de soutenir les professionnels établis à l’étranger qui lancent des projets au Maroc. Cette stratégie repose sur la constitution de réseaux de compétences des Marocains résidant à l’étranger, l’organisation de réunions préparatoires pour informer ces derniers sur les besoins en compétences dans les secteurs qui les intéressent au Maroc, la promotion de propositions de projets d’entrepreneuriat et de partenariat par le réseau répondant aux besoins du Maroc, l’organisation d’un forum avec les homologues marocains intéressés par ces projets, et la mise en place de partenariats pour leur mise en œuvre.
Un deuxième exemple est un programme appelé « MDM Invest ». Celui-ci offre un mécanisme pour encourager les investisseurs dans les entreprises marocaines. Il est construit autour de trois possibilités de financement de base. MDM Invest peut fournir :
• des fonds propres (en devise étrangère) représentant au moins 25 % du montant projeté du projet,
• une subvention d’État de 10 % des coûts de démarrage (avec un plafond de 5 millions de dirhams), et/ou
• un prêt bancaire (si nécessaire) pouvant atteindre 65 % des coûts de démarrage.
Un troisième exemple est le programme des Nations Unies intitulé TOKTEN (Transfert de connaissances par le biais des nationaux expatriés). Depuis 1993, le Maroc a organisé plusieurs réunions de la diaspora marocaine dans le cadre du programme TOKTEN. TOKTEN vise principalement à mobiliser les professionnels nationaux résidant à l’étranger pour contribuer, grâce à des missions et un soutien scientifique, au développement du Maroc. Ces réunions TOKTEN ont rassemblé des professionnels marocains de tous horizons pour discuter des possibilités de mobilisation, sans toutefois aboutir à de véritables programmes et sans opter pour l’institutionnalisation d’un mécanisme durable dans le cadre d’une stratégie nationale de mobilisation des professionnels marocains résidant à l’étranger.
Stratégie d’innovation
En juin 2009, le Maroc a créé une stratégie nationale d’innovation intitulée « Innovation Maroc » afin de créer un écosystème favorable au développement de l’innovation au sein des entreprises marocaines et des organisations de recherche. Innovation Maroc est devenue opérationnelle en mars 2011. Cette stratégie comprend quatre domaines stratégiques :
• Gouvernance et cadre réglementaire,
• Infrastructure et pôles de compétitivité,
• Financement et soutien, et
• Mobilisation des talents, y compris les membres de la communauté marocaine d’innovation dans le monde. Dans ce contexte, l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale, en partenariat avec le Ministère de l’Industrie, a créé le club marocain de l’innovation – une plateforme virtuelle dédiée à l’innovation – pour mettre en réseau les acteurs marocains de l’innovation à la fois au Maroc et à l’étranger.
L’Association Marocaine pour l’Innovation Scientifique et la Recherche (MAScIR)
Le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie Numérique a créé la Fondation MAScIR (Association Marocaine pour l’Innovation Scientifique et la Recherche) en 2007. La mission de la fondation est de promouvoir et de développer un centre d’innovation et de compétitivité basé sur les besoins du marché. MAScIR mène des projets positionnés sur des niches technologiques et d’application à haute valeur ajoutée dans les domaines des technologies avancées telles que la nanotechnologie, la biotechnologie et la microélectronique.
Le modèle de l’Éthiopie
Le gouvernement de l’Éthiopie reconnaît qu’un partenariat doit être construit avec la diaspora pour bénéficier aux deux parties, et il a travaillé à accorder des droits et des privilèges significatifs à la diaspora depuis la création de l’Agence des Affaires des Expatriés Éthiopiens (EEA) en 2002, puis de l’Agence de la Diaspora Éthiopienne. Le gouvernement éthiopien a encouragé la diaspora à investir financièrement dans le pays et à échanger des connaissances pour aider au développement du pays et améliorer sa situation financière.
Avec des flux de fonds de plus en plus importants au cours des dernières décennies, le rôle de la diaspora dans les efforts de développement du pays a suscité un intérêt plus large tant de la part des chercheurs que des pays d’accueil. Outre les envois de fonds, les flux de compétences, de connaissances et les transferts sociaux ont également suscité davantage d’attention, en particulier l’importance des associations de la diaspora en tant que moteurs des processus de développement.
Le réservoir du Grand Barrage de la Renaissance Éthiopienne (GERD) est une source de fierté nationale pour de nombreux Éthiopiens – le barrage est construit par des Éthiopiens, pour les Éthiopiens. La plupart des fonds pour le barrage ont été collectés auprès des Éthiopiens grâce à l’achat d’obligations. Le barrage fournira de l’électricité à l’Éthiopie et aux pays voisins.
Au cours des 10 dernières années, la diaspora éthiopienne a soutenu la construction du GERD à la fois financièrement et diplomatiquement, indépendamment des différences politiques apparentes auxquelles on pourrait s’attendre de la diaspora. Cependant, le soutien n’a jamais connu une telle croissance massive que lors du premier remplissage du barrage. Le premier remplissage du GERD a non seulement accéléré le rythme du soutien que la diaspora éthiopienne apporte, mais a également accru sa motivation au plus haut niveau.
Cette contribution a été faite soit en achetant des obligations, soit en donnant de grosses sommes d’argent en cadeau pour l’achèvement du barrage. Au total, au cours des dix dernières années, la diaspora a contribué à hauteur de près de 50 millions de dollars.
Compte tenu de l’impact de la contribution financière que la diaspora a apportée au fil des ans, le gouvernement élabore différentes approches qui peuvent exploiter pleinement le potentiel de la diaspora. Lorsque ces mécanismes deviendront opérationnels, ils sont censés renforcer le soutien financier.
La diaspora a également intensifié son combat pour la part équitable de l’Éthiopie sur les eaux du Nil. Dans la quête des droits légitimes de l’Éthiopie sur les eaux du Nil, de nombreux membres de la diaspora ont organisé des rassemblements en soutien à l’effort de l’Éthiopie pour fournir de la lumière à son peuple dans l’obscurité. Dans les principales villes du monde, que ce soit aux États-Unis, en Europe ou en Australie, des groupes d’Éthiopiens et d’amis de l’Éthiopie ont défilé dans les rues pour demander la juste part de l’Éthiopie sur le Nil, entre autres.
Les membres de la diaspora éthiopienne ont non seulement rempli les rues des capitales occidentales pour demander une part équitable des eaux du Nil, mais ils ont également mené différentes campagnes de relations publiques et plaidé pour la cause de l’Éthiopie auprès du monde entier en utilisant les médias. Les Éthiopiens résidant dans les pays arabes ou ceux qui sont éloquents en langue arabe sont devenus des visages courants dans les chaînes arabes défiant le statu quo.
En conclusion, la diaspora africaine détient un immense potentiel pour stimuler un progrès massif sur le continent. Grâce à des stratégies de mobilisation efficaces, des initiatives innovantes et une advocacy accrue, les nations africaines peuvent libérer tout le pouvoir de leur diaspora et tracer un chemin transformateur vers un développement durable et la prospérité pour leur peuple. En combinant la force et le dévouement de la diaspora, l’Afrique peut construire un avenir plus lumineux, où sa jeunesse trouve l’espoir et les opportunités sur son propre sol.