L’African Leadership Forum a placé au centre des débats, l’épineuse question de l’identification des talents et du recrutement en Afrique. Des problématiques n’échappent pas à la Banque mondiale qui a déposé ses cadres en ressources humaines de Washington dans les salons du Pullman Tour Eiffel de Paris en cette rentrée de septembre.
Difficile de faire un recrutement en Afrique au regard de la problématique identification des talents et lorsque les compétences locales viennent à manquer. Talent2Africa missionnée par la Banque mondiale pour repérer les profils susceptibles d’être intéressés par une carrière au sein du groupe. Talent2Africa était à la manœuvre dans l’organisation de la journée d’échanges. Sur les thèmes de l’entrepreneuriat des femmes, de l’écosystème digital, du financement des startups, de l’agrobusiness et de l’attraction des talents.
A l’occasion de l’African Leadership Forum qui s’est tenu le 8 septembre dernier, la plateforme web de recrutement en Afrique a réussi le tour de force. Celui de réunir une dizaine de recruteurs de la Banque mondiale. Venus directement de Washington à Paris, où ils ont rencontré des candidats triés sur le volet. Au-delà des débats traditionnels sur le financement des grands travaux et la question du genre, le recrutement était bien de tous les débats…
Vers une «africanisation» des talents
Chaque année, 12 millions de jeunes diplômés arrivent sur le marché du travail et si les compétences locales sont amenées à se développer. Aujourd’hui les talents de la diaspora ne suffisent pas et à répondre aux besoins en gestion du marché africain. Par ailleurs, leur coût est jugé prohibitif : « un profil de la diaspora s’inscrit dans les « talents internationaux ». Il a intégré les codes du monde du travail occidental et côté rémunération, ça bloque encore. Ils maîtrisent les codes culturels et l’écosystème économique et politique du pays où ils sont envoyés. Ce sont des profils très intéressants mais chers. Il faut réussir à leur proposer des salaires attractifs» explique Benoit Martin de Talent2Africa. De fait, les experts du recrutement en Afrique désormais les formations locales.
Cédric Filet, fondateur et PDG d’Aldélia, société de recrutement en Afrique et de ressources humaines (RH), souligne également l’importance des transferts de compétences. Il affirme « En 2009, nos 270 employés au Nigéria. Soit 100% de nos effectifs étaient composés d’expatriés et maintenant notre équipe est 100% locale. Elle forme actuellement notre équipe du Mozambique en gestion, en finance et en recrutement.»
Depuis quelques années, l’africanisation des talents représente une tendance de fond appelée à se renforcer. «Les postes de cadres et de top-management sont restés longtemps l’apanage des expatriés. Ils sont de plus en plus délégués à des Africains : des talents locaux ou des Africains venus d’autres régions » confirment Benoit Martin de Talent2Africa. Cependant, les mobilités intra-africaines se réalisent majoritairement dans une même région avec un socle linguistique commun. «Nous avançons d’un certain nombre de profils venus du Maghreb qui occupent des fonctions managériales en Afrique subsaharienne. La mobilité inter africaine est aujourd’hui une réalité et qu’une vocation à s’agrandir» poursuit-il.
Ce sont des milliers d’étudiants maliens qui sortent chaque année des filières en Sciences Humaines. Alors que le pays ne compte qu’une dizaine de dermatologues sur un territoire qui compte 15 millions d’habitants. Avec une prévalence des maladies de peau évitant 30%. Dès lors, commentez reconnecter les formations aux besoins du marché ?
Les profils de techniciens sont également devenus les perles rares des cabinets de recrutement en Afrique et les formations courtes ont le vent en poupe. Une tendance qui est d’ores et déjà engagée selon un rapport d’analyse situationnelle annuelle du marché du travail réalisé par l’ONEF. Elle a rencontré en évidence l’augmentation du nombre de diplômés de brevets techniques et de CAP (NDR : + 27%) sur les 3 dernières années au Mali notamment.
Parallèlement, l’assimilation des meilleures pratiques internationales fait désormais l’objet de programmes dédiés. Talent2Africa Academy a lancé un « Graduate program » qui permet aux étudiants d’intégrer les codes culturels et les habilités comportementales des groupes internationaux. « Les entreprises partenaires recrutent des promotions de 10 à 15 jeunes diplômés d’un haut potentiel. Ils évoluent pendant 2 ou 3 ans sur plusieurs postes, assistés par un tuteur. Ils développent leurs compétences métiers et secteurs et leurs compétences générales. L’entreprise se constitue ainsi un vivier de managers» explique le directeur de Talent2Africa. C’est un travail multipartite de longue haleine prévient Benoit Martin qui multiplie les partenariats avec de prestigieuses écoles.
Le portage salarial pour confirmer les recrutements.
Les entreprises externalisent de plus en plus, un certain nombre de services RH aussi. Les armoires collantes au plus près des réalités locales se multiplient depuis quelques années dans l’hexagone. «Nombre d’entreprises européennes et américaines veulent pénétrer l’Afrique et ont besoin de sociétés comme la nôtre pour faire du portage salarial. Nous leur fournir cette opportunité tout en procédant aux recrutements nécessaires» déclare Cédric Filet le PDG fondateur d’Aldélia. Grâce aux équipes locales, l’entreprise propose des services en recrutement optimisés mais aussi des prestations de portage salarial. Une solution particulièrement adaptée aux entreprises qui recherchent des compétences spécifiques pour des projets de courte ou de moyenne durée. L’entreprise cliente s’ acquitte alors des honoraires négociés lors de l’entretien avec le salarié porté, sans supporter les charges patronales. Les entreprises qui recourent au portage salarial ont généralement besoin de compétences rares et font l’économie d’un recrutement souvent long et coûteux. Une option clé-en-main qui séduit de plus en plus de groupes internationaux. Selon Cédric Filet dont la PME emploie près de 450 personnes sur une dizaine de pays africains.
RSE, intègre les contraintes sociétales
« Le recrutement au sein des PME est intrinsèquement lié à la RSE car un employé peut gérer jusqu’à une dizaine de membres de sa famille. En Afrique, créer de l’emploi, c’est déjà de la RSE» déclare Edwige-Laure Mombouli, fondatrice de l’agence Communic’Action, pour souligner l’impact de l’emploi sur l’environnement du salarié. Si l’inclusivité relative à la création d’emploi en Afrique n’est plus à venir. La responsabilité sociétale des entreprises (RSE), c’est aussi des règles et des coûts associés.
Inscrite aux objectifs de développement durable des Nations unies (ODD), la RSE est « un concept anglo-saxon à l’origine. Pierre-Samuel Guedj, PDG d’Affectio Mutandi, cabinet parisien spécialisé dans le conseil en RSE sur le continent. Toutefois, au niveau francophone « La Côte d’Ivoire, le Sénégal ou encore le Maroc, sont très bien sur le sujet. Et en font des leviers forts de développement économique et social» précise t-il.
Malgré des bonnes intentions affichées par les entrepreneurs africains. Le manque de structures et de stratégies RH viennent limiter les initiatives des PME. Et ETI dont les moyens ne supportent pas toujours les contraintes supplémentaires et facultatives inhérentes à la responsabilité sociétale des entreprises, qui reste une démarche volontaire.
Au-des directives de l’OIT, de l’OCDE et de l’ONU, les résultats mesurés sur le continent restent fonction de « la maturité et des expériences préalables des acteurs » et en particulier des États attestant « l’élaboration, le vote et l’application des lois car ils jouent un rôle central dans l’application des normes de bonne gouvernance en entreprise» poursuivent Pierre-Samuel Guedj.
Entre l’application des dernières directives internationales en matière de RSE, l’élaboration de nouvelles réglementations nationales, l’arrivée d’outils RH digitaux mais aussi les attentes des « Millennials » africains, le secteur du recrutement en Afrique est en pleine mutation. ..